Le cafard du dimanche
C'est une histoire d'amour ratée dans le monde où tu vis, contemporain, forcément contemporain. Un sentiment tué dans l'oeuf par l'échec, un chagrin disproportionné sans rapport avec toutes causes, un épanchement vorace. Les cigarettes ont un goût de cirage aujourd'hui.
Meubler le rien avec du quotidien. Mon petit talent de plume fait ce qu'il peut.
Je ne sais pas ponctuer mes phrases, alors je juxtapose, je récite mon antienne, le souffle court, bannissant l'usage courtois du point virgule qui hiérarchise.
Voilà : Thierry boude, Adrien m'ignore, Mathias a un petit copain, Jérôme m'envoie chier gentiment, des boutons de stress recouvrent mes articulations, Maud m'accable de reproches injustes, Pauline est loin, un coiffeur pédé me coupe les cheveux trop ras, l'argent manque, Mike ne publie plus mes commentaires sur son blog, on m'insulte sur le mien et aussi sur un site de rencontres gay... J'arrête là, je pourrais continuer. Ce sont des choses qui arrivent. Je ne suis pas armé pour le monde. Je voudrais pouvoir pleurer, au lieu de quoi, une boule d'amertume visée dans le gosier, j'écris. Le plus frappant reste la mesquinerie de mon énumération.
Mon visage me sert à communiquer, je fais bonne figure, mais dedans je suis cassé, dévasté. Il se trouvera bien une âme vertueuse quelque part pour dire que je mérite mon sort de vermine infantile.
En somme, la maman de Bambi est morte, et je ne m'en suis jamais remis.
Demain lundi, je construirai un mûr des lamentations, avec les parpaings que j'ai sur le ventre.
"Lorsque Grégoire Samsa se réveilla un matin au sortir de rêves agités, il se retrouva dans son lit changé en un énorme cancrelat." (Franz Kafka, La Métamorphose.)