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C'est moi qui... Ce sont les autres qui ne pas...
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20 janvier 2007

Dieu vomit les tièdes

L'inattendu arrive parfois, la vie vous étonne, et c'est à ne pas y croire. Encore faut-il savoir improviser, saisir sa chance à l'improviste, être digne de l'événement venu par surprise.

Comme j'entrais dans la station Rambuteau, aux pieds des escaliers de la bouche, une ombre se détacha du mur de faïence : Benjamin lui-même, légèrement cuité, qui m'interpelle !
Mes jambes hésitent, s'arrêtent, flageolent. Que dire ? Une question me brûle : "pourquoi ne m'as-tu jamais rappelé ?" Mais sur ce quai de métro, au débotté, je n'ai pas le cran de lui demander, non plus que de l'embrasser, ni sur les lèvres, ni sur la joue.
Heureusement des propos plaisants me viennent à l'esprit. Lui au contraire masque avec difficulté son trouble, sa gêne. Je le laisse alors s'emmêler dans mes filets. Et plus je badine, et plus il bredouille. Je joue de ma voix qui se fait caverneuse, veloutée... Un temps.
Puis, main droite sur son avant-bras, je dis : "on se voit bientôt, j'espère" et je file à l'anglaise.
Minuit : il m'envoie un texto. La partie est gagnée. A cette heure, je suis très content de moi.

Trois jours plus tard un éclair de lucidité me foudroie, tout à coup je comprends mon erreur : plutôt que d'aller au raout où j'étais invité, j'aurais dû le suivre, et honorer de ma présence, la seule fête qui importait ce soir là, sa croupe. Me voici puni parce que j'ai manqué d'audace. Ce que j'espérais être un rebondissement de l'intrigue se résoudra pour finir en épilogue de celle-ci. Je ne reverrai pas Benjamin de sitôt.
Un génie farceur s'amuse de moi, faisant des blagues sur mon dos. Il se gausse à mes dépens par l'entremise de mes amants. Tandis que je patauge dans la mélasse des sentiments.
C'est là que j'ai décidé d'être priapique en diable.

"Nul d'entre nous n'est venu au monde sans une fente." (Pétrone, Le satiricon.)

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Commentaires
O
Dieu vomit les tièdes et certains l'aiment chaud...
M
Je m'amuse à scruter le tout début de l'histoire: l'ombre qui se détache du mur, Benjamin qui t'interpelle... Tu lui serais passé à 20 cm sans le voir, alors que le scan de son champ visuel l'avait sans doute allarmé depuis longtemps. <br /> <br /> Ca me fait penser quelques amis. Ils sont d'assez grands myopes. Lorsqu'on les apercoit au loin, on attend un peu avant de sourire (trop loin pour être vu), on laisse le sourire venir avec la distance qui mincit, on le crispe un certain temps (qu'on trouve interminable), et on a plus du tout envie de sourire une fois parvenu à la distance de parler. On est gêné, on les interpelle (eux, forcément, ils n'ont rien vu). Ils font un bond de surpise, par défaut plutôt enthousiaste puisque leur système neuronal de traitement d'image moyenne-définition ne leur a pas encore clairement indiqué de qui vient l'interpellation. Ils sont habitué à cela : pendant que leurs jambes discrètement flagellent, que leur cerveau turbine sur cent mille questions, ils répondent avec un naturel déconcertant. <br /> D'un côté, il y a un prévenu, qui sait qu'il a trois secondes pour décider d'interpeller ou de s'eclipser même pas forcément discrètement. Temps trop court pour prendre une décision sereine, mais trop long pour que la décision soit spontanée. En face, il a quelqu'un qui était dans son monde, qui se cogne contre une interpellation improviste, qui s'en sort fort bien dans le près (le maintenant ici), mais réalise trois jours plus tard ce qu'il n'a pas su ou n'a pas pu voir dans le loin. <br /> Est-ce que tu es myope toi aussi ?
E
"c'est la fête à mon cul" !! une expression que l'on aimerait effectivement entendre plus souvent ! la vie est bien cruelle parfois !<br /> tiens bon<br /> xxx
D
Vois-tu, la jouissance, ce n'est rien non plus. Ça dure un temps, et puis au bout du compte on s'aperçoit que ça ne comble absolument rien, ça ne comble jamais ce vide béant, ce gouffre démesuré qui nous habite. La jouissance, c'est comme l'alcool pour d'autres, ou la drogue, ou le café, ou l'écriture, la musique, le cinéma. C'est factice, comme tout le reste.<br /> <br /> Je crois que l'on passe par plusieurs états, pour en arriver, sans doute, à une indifférence générale. On aime, puis on hait, on tente de tout détruire, jusqu'à soi-même : et en fait, au bout d'un certain moment, il y a cette indifférence face à la jouissance, celle des autres, puis de soi-même, cette indifférence à agir, à parler, à rire, à pleurer, à écrire, à rencontrer des gens, à relever des défis, etc. Puis il y a l'indifférence d'aimer, ensuite celle de vivre, et enfin, de mourir.<br /> <br /> Ce n'est pas tant le fait que cette vision soit pessimiste, c'est plutôt qu'elle est, d'une certaine manière, plus réaliste. Moins décevante, aussi, peut-être. Je lis d'une traite des romans d'Annie Ernaux, j'écoute le dernier disque d'Arcade Fire, je bois, peut-être trop, j'écris parce que je pense que c'est la seule issue possible, la seule qui me relie encore au monde extérieur, qui me donne envie de poursuivre. Je sors, maintenant plus rarement : je ris avec quelques amis, je vais voir une rétrospective des films de Gus Van Sant. <br /> <br /> Avec, toujours, ce sentiment d'inexistence, cette impression, sans doute juste, que l'on m'oublierait vite. Et c'est drôle, ça ne me fait plus rien, de voir le temps passer, et de nous voir passer avec lui, avec détachement et froideur.
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