Qu'irais-je faire en Abyssinie ?
Ai-je gobé des extas à Berlin ? Quelqu'un m'a-t-il déjà sauté dans les chiottes d'une boîte de nuit ? Est-ce qu'au moins je porte un sweat à capuche sous le cuir d'un blouson, à l'instar des mignons du Marais ? Non. Trois fois non. Rien. Je n'ai rien fait pour être un bon pédé.
J'ai dormi.
Des journées entières dans la pénombre. En compagnie des idées noires. Après des nuits d'insomnie.
Au matin, quand l'endormissement vient, chaque fois j'ai cette impression d'extase : fermer les yeux, s'extraire hors du monde, s'oublier enfin, mourir un peu, et qui sait sombrer pour toujours...
Le sommeil me transporte. Je n'ai connu de ma vie qu'une seule passion stable : dormir. Et pour unique amour, le marchand de sable.
Une américaine de mes fréquentations me trouve hilarius, dit-elle, ce que je traduis par ridicule. Je déteste cette figure de poète maudit que j'incarne.
Le temps file malgré moi, ma bite et mon cul évacuent, usine à caca pipi, plus du tout source de joies.
A quel âge Rimbaud a-t-il cessé d'écrire ? Un jour il partit trafiquer des armes, courir fortune en Abyssinie. Il faut être chercheur d'or... Arthur avait raison.
Dehors, d'un instant à l'autre, je peux tomber : mort ou amoureux.
M'as-tu vu ? Regarde-moi : pauvre et vilain comme je suis, il se pourrait pourtant que je recèle des richesses et des beautés, aux tréfonds de moi. Elles gisent inemployées, elles n'attendent qu'un voleur, toi peut-être. Or vois-tu, un regard n'as pas de prix.
"Les événements ne viennent pas à domicile, les événements ne sont pas un service public comme le gaz et l'eau. Mais il y a des routes, des ports, des gares, d'autres pays que le chenil quotidien : il suffit un jour de ne pas descendre à sa station de métro." (Paul Nizan, Aden Arabie.)