Dialectique du chaud et du froid
J'entame cette période glacière sans espoir boréal. Ma corpulence est trop mince, mon corps atteint là sa limite en matière de résistance. Le froid insidieux s'immisce d'abord par les extrémités, la tête, les mains, les pieds, puis il s'abat sur les épaules et les reins, si bien que le soir, je mets des heures à me réchauffer avant de dormir. Besoin de chaleur humaine. Autres solutions : se procurer une bouillotte de grand-mère et un châle de laine, boire du thé ou un cognac, prendre un bain, partir aux Antilles, se masturber, faire du sport.
Froid. Je pense avec effroi que mourir sera atroce, parce que j'aurai froid. L'horreur de la condition du cadavre : être gelé, transi, frigorifié, devenir une viande froide. Je suis trop frileux pour endurer cela, la mort. Ainsi pour la première fois de ma vie je me dis que mourir est un cauchemar au-dessus de mes forces.
Avant-hier un garçon, de 6 ans mon aîné, vient me réchauffer à la maison. Il est grand, sec. Je ne pouvais pas prévoir sur les photos que sa voix serait à ce point peu sexy, aigre et zézéyante. Ni que ses baisers seraient mous, c'est-à-dire qu'il me tire sa langue dans ma bouche plutôt qu'il ne m'embrasse. Puis il débande tandis que je le suce, ce qui est vexant. Lorsque je branle nos deux bites d'une seule main, il rebande et éjacule aussitôt, ce qui est frustrant. Je crains alors de vieillir moi aussi.
Mais le bonus avec un mauvais baiseur, c'est qu'on se sent soi-même très sensuel, lascif, et fort que ce sentiment nouveau soit si naturel.
Au moment de jouir mon orgasme est un gémissement. A la fois soulagement et sanglot. Le cri du nouveau né, le râle de l'agonisant. Je frissonne.
"Pour cette Cosette, où est Jean Valjean ?" (Pierre Michon, Corps du roi.)