Le grand lit double
Le réel n'existe pas, ou si mal.
Je me suis réveillé dans le grand lit double, seul. Cela dure depuis longtemps maintenant. Depuis que j'ai un grand lit double en fait. Nul qui puisse témoigner si je ronfle ou si je bande chaque nuit.
Il s'agit d'un mauvais rêve, je présume.
Parce que, inconsciemment, je fais toujours des pâtes pour deux quand je dîne seul à la maison. Avec moi-même et personne.
Internet sauvera les phénomènes de mon psychisme défectueux, chimèrique. Le récit virtuel supplantera la réalité terre à terre. Mon double sur la toile saura transcender le sordide des apparences, en un texte sans ratures, lisible, impeccable.
Puis une fois le message posté, le sommeil viendra... Je serai alors au centre du grand lit deux place, les deux mains sur le paquet de mon sexe.
"Pourtant je n'étais pas un fantôme, je respirais, je mangeais, je faisais des pas, des pas clairement audibles, et mes empreintes digitales auront marqué des poignées." (Wislawa Szymborska, 16 mai 1973.)