Célibataire, adulte et consentant
Qui suis-je ? Mon état civil ne dit rien la-dessus.
Je est un autre fictif. Personnage d'un roman, Sa vie. Prénom : Moi. "Mon nom est Je, Moi Je" dit l'agent secret. Fils de... Père : inconnu, narrateur omniscient. Mère : Mademoiselle Azerty, secrétaire de rédaction.
D'autres questions ?
Je ne me regarde pas tant le nombril. Les faits s'organisent d'eux-mêmes en récit, tandis que je vais à l'aventure.
Je sens que cette histoire de cul entre Thierry et moi va mettre fin à la poisse des passions tristes. Déjà ma fiction intérieure me raconte que je suis beau. Halte aux humeurs vipérines ! J'imprime à ma course une direction vers les nues. C'est un pari, j'admets.
Hormis un petit accident scatologique, à cause que j'étais constipé depuis plusieurs jours, notre plaisir touche à la perfection céleste. Il me confie avoir très envie que je le prenne, mais au dernier moment il recule, s'excuse tout gêné : l'émotion, la fatigue, que sais-je ? La peur. Ce sera la première fois pour lui, et sa prostate. Ce garçon a besoin d'être rassuré et j'en fais un défi personnel, car je suis toujours surpris qu'il me désire autant. Sa douceur, ses doutes me touchent au vif parce qu'ils me renvoient à mes propres craintes. Je le serre fort pendant le coït. Son corps pèse contre le mien. Nous nous faisons feuille de rose, un peu maladroitement... Nos réticences viennent du goût âpre de cette région autour de l'anus qui choque nos palais. Ce qui confère à nos langues exécutant vaille que vaille cette caresse intime, l'aura d'un amour oblatif. Les amants innocents que nous sommes durant quelques heures hebdomadaires valent mieux que les personnages auxquels nous jouons le reste de la semaine, grise. Sous la douche, je remarque son nez qui pêle, suite à un méchant coup de soleil en Normandie, ce week end, précise-t-il. J'avais vu juste, Thierry vit avec une femme et travaille comme comptable dans une entreprise. Après l'amour je suis vidé. Je repars à neuf. Célibataire, adulte et consentant.
Les contingences sur internet ont parfois de foutues clartés. J'adresse un salut on line à mon étoile.
"Un coup de dès / Jamais / Quand bien même lancé dans des circonstances éternelles / Du fond d'un naufrage / N'abolira / Le hasard / Rien / N'aura eu lieu / Que le lieu / Excepté / Peut-être / Une constellation." (Stéphane Mallarmé, Un coup de dès jamais n'abolira le hasard.)