Sur le vif
Les pensées partent comme des fusées, tantôt feux d'artifices, tantôt pétards mouillés. La logique est déviante. Jésus disait qu'il faut aimer son prochain. Je me sens tout à coup très lointain. Je végète dans 25m². Je suis une plante verte qui vire au rouille. Ma mère aurait dû avorter, elle serait plus heureuse aujourd'hui... Il ne convenait pas de parier sur moi. Maxime prend son pied alors que je le suce même pas bien. Je l'aide aussi à écrire son roman, je corrige sa syntaxe approximative. Cela gratuitement. Je n'ai pas suffisamment pour me payer un café pourtant. Il ne soupçonne pas que je puisse être vénal, moi non plus. Mon suicide sera involontaire, si il advient un jour. Ces idées funèbres s'accordent mal avec le soleil. Je veux encore revoir Capri avant de trépasser. Il y a toujours un ailleurs heureux. Puis je fais une scène à Maxime parce que, sa colocataire débarquant à l'improviste, il exige que je quitte les lieux tout de suite. Je me prends pour Carmen. Sa barbe dure irrite mes joues, j'avais de semblables rougeurs quand papa m'embrassait. Maxime est un intuitif, à l'instar de Pauline, il mise sur sa bonne étoile. Cette aisance me manque. Je regarde dans la rue le passage des passants que j'imagine nus. Jérôme ne sourit jamais en ma présence, ne rit pas à mes blagues, c'est pourquoi sans doute je ne peux l'effacer. Peut-être ses dents sont-elles pourries. Des représentations obscènes peuplent mes cauchemars, la nuit. Ophélie se noie dans la folie d'Hamlet qui l'oublie. Je divague, je saigne. J'écris sur le vif, comme Cézanne peignait sur le motif, le génie en moins. Et que vive l'amour des hommes sur la Terre !
"Ne cherchez plus mon coeur ; les bêtes l'ont mangé." (Baudelaire, Causerie.)