Le début d'une liaison
Il dit : "j'aime les femmes qui aiment les hommes qui aiment les hommes qui aiment les femmes". Maxime est bisexuel. Mais sa copine ne sait pas qu'il couche avec moi dans mon studio l'après-midi, ou bien avec d'autres dans les hôtels, les avions, lors de ses voyages d'affaires à l'étranger. Maxime me demande d'éteindre, "il y a trop de lumière" murmure-t-il. Timide, il préfère l'obscurité, sans doute à cause des rondeurs de son ventre.
Maxime baise comme un hétéro strictement actif, c'est-à-dire qu'il ne me suce pas, qu'il serre ma bite d'une poigne virile, que du poid de son corps il empêche mes mouvements, qu'il me pénétre par derrière et m'écrase la joue contre le sommier. Maxime semble vouloir toujours dominer. Peut-être croirait-il déchoir si mon foutre giclait dans ses poils ? J'éjacule alors sur la couette pour ne pas le salir. Cependant Maxime est un tendre. Il a besoin de parler après l'orgasme. Allongé sur le dos, son bras passé sous ma nuque, il s'épanche. Son roman, son éditeur, ses nuits blanches avec des célébrités. Maxime travaille dans une grande agence de publicité, lui il dit plutôt : "créa dans la pub". J'écoute, j'opine, je le regarde en penchant la tête, il me fascine.
Le portrait que j'esquisse peut paraître féroce, une caricature de macho hâbleur. Et pourtant je l'aime bien Maxime, sa naïveté me touche.
Souvent les gens ne sont intéressants que par leur grain de folie, leur différence, leur faille, ce par quoi ils excèdent la catégorie à laquelle ils appartiennent, qui les enferme.
Maxime habite les beaux quartiers, circule à Paris en scooter, se perd une fois passé les Champs Elysées. "Après mes études à New York, j'ai fait un tour du monde, pendant un an, Sydney, Singapour, Madagascar..." Maxime raconte. Il ne cherche pas à se faire valoir. Son débit rapide hésite, folâtre d'une idée à l'autre sans transition. "Avant, en pension, j'étais ambidextre, dyslexique et autiste passif" dit-il. Il a gardé la voix douce d'un petit garçon, et les cheveux longs d'un adolescent. Ses propos compulsifs sont une cachette d'enfant, une armure, une échapée. Sa logorrhée se donne comme une invitation à la dérive. Ses yeux verts globuleux osent à peine se poser sur moi.
Je reverrai Maxime dès son retour de Londres dans dix jours. Le début d'une liaison. Ma curiosité me perdra. A moins qu'il n'applique lui aussi avec moi les conditions de licenciement du CPE, sans préavis ni motifs... Comme Jérôme, comme la plupart des hommes qui furent mes amants.
"Il m'aurait fallu d'autres amours, peut-être. Mais l'amour ne se commande pas." (Samuel Beckett, Premier amour.)