Un suspens
Décembre n'est pas tenable. L'anniversaire de papa, la neige dans les stations de ski, les réjouissances factices du 24 au 31, les guirlandes en travers des rues, la consommation massive d'huîtres et de chocolats, etc.
Afin d'y échapper, j'avais prévu de partir à Bangkok chez Lucie. J'extrapolais déjà l'Asie tropicale, mais j'occultais l'essentiel, à savoir le compte en banque débiteur. Selon un autre calcul, la grâce d'un amour aurait pu combler mon infortune, or là aussi il y a disette. Cet hiver, mathématique amère : il me reste la plainte comme ressource minimale d'invention.
L'image que je donne ici s'avère partiale. Il doit sembler au lecteur que ma vie se passe à baiser des tocards et pleurnicher sur mon sort. De fait les blancs entre chaque publication ne cachent rien, hormis quelques ratures. J'ai notamment omis de raporter, une partouze en famille autour d'un vin vieux de Bordeaux, ma visite au château de Fontainebleau, une célébration festive dans un appartement parisien avec beaucoup de monde, un spectacle de danse bouleversant, plusieurs bonnes séances de cinéma, et des conversations sur l'actualité, parce que tout cela n'était qu'une façon de fuir, un passe temps, parce que mon coeur est ailleurs. Les traces désolées que je laisse à la place au moins ne sont pas dupes. Vivre nécessite un acte de foi chaque jour renouvelé, tandis qu'écrire exige de voir les choses en face.
Je demande au père Noël un révolver et du cyanure pour en finir... Cependant je sais qu'on m'offrira des livres, et que ma veulerie puisera là un prétexte à surseoir.
Aussi plutôt que de rabacher mes déboires, je décrète la fermeture provisoire, un suspens, des messages sur ce blog. Assez parlé : ma trêve de blogeur vaut bien celle des confiseurs. C'est cadeau !
"Tu n'as rien à dire mais tu ne considères pas que c'est une raison suffisante pour se taire. Tu ne sors d'une crise d'aphasie que pour entrer dans une crise de logorrhée, et inversement." (Jacques Brou, La grande vacance.)