Quelques jours d'abstinence
J'ai épinglé sur le mur une oeuvre de Felix Gonzalez-Torres, un poster extrait d'un tas identique mis à la disposition du public (en l'occurrence, un cadeau de Pauline qui sachant ma passion pour cet artiste me l'a rapporté de New York). La photo, un plan rapproché en noir et blanc, presque un carré, 97x110cm, représente de l'eau plissée par le courant, saisie dans un halo de lumière sombre. Il émane de cette image une paix essentielle qui conjugue harmonieusement les contraires, à la fois la baignade et la noyade, le clair et l'obscur. Depuis quelques jours qu'elle a pris place, là sur le mur de ma chambre, je la contemple souvent... Et je puise dans cette contemplation un grand réconfort.
Je m'aperçois à l'instant, par coïncidence, que durant ces quelques jours je suis également demeuré chaste. Ce qui contraste avec la frénésie des derniers mois. Je n'en tire aucune conclusion, mais que je m'en trouve bien, là est la nouveauté, car d'ordinaire l'abstinence résonne en mon fors intérieur comme une frustration intolérable.
J'ai toujours eu un rapport mystique au coït. Chaque orgasme proféré monte en prière vers Dieu qui l'a voulu et le recoit. Dès que je jouis il me semble être visité par la grâce. L'éjaculation réveille ma foi en la bonté de l'être. Il s'en suit que toute privation sexuelle un peu longue engendre une espèce d'enfer terrestre, où les flammes du désir me brûlent le corps et l'âme non exaucés. Dans ces circonstances, quand la joie brille par son absence, je me sens chassé, traqué, en chute ou en décomposition. De fait, la semaine passée fut perdue du point de vue de ma chair avide de plaisir. Mais à vrai dire cette fois-ci je m'en fous, point de révolte face à ce scandale, point de manque, libido zéro. Que se passe-t-il ? Serait-ce un symptôme, encore un, de la dépression qui s'installe ?
Je n'ai pas de réponse mais des doutes. Je refuse de m'enfermer dans un état, que ce soit la maladie ou la santé. Importe le mouvement de branle. La vie advient incessamment. Le monde change. Je suis vivant dans le monde.
Ce qui fascine dans la bite c'est cette alternance de mollesse et de tension. Le flux et le reflux sanguin. La marée du coeur.
"C'est le même sang qui est dans le cerveau et qui est dans la queue." (Christophe Fiat, Bienvenus à Sexpol.)